Le diable russe
Entre les glaciales berges des lacs sibériens et les chaudes gorges de la Mer noire, le peuple russe alterne, depuis longtemps, le chaud et le froid au gré de tempérament du locataire du Kremlin. Rien à signaler donc, comme à l‘accoutumée, pense-t-on. A tort, certainement!
Car cette fois-ci, l’indomptable âme russe est rentrée dans son écrin. Et après des longues nuits d’errance, elle semble trouver son repos.
De ce fait, le monde est, désormais, sommé de composer avec la vieille trilogie slave “ Russie-Orthodoxie-Tsar“.
Ainsi, pas de quoi enchanter un Occident exclusiviste et mauvais perdant devenu, entre temps, l‘homme malade de l’humanité.
Il faut dire que les Russes n’ont cessé de l’irriter. Ils fêtent, en effet, Saint Cyrille plus que Saint Sylvestre, préfèrent les Oural sur les Alpes et, sacrilège suprême, lisent Pouchkine à la place de Shakespeare.
C‘est surtout que la Russie croit, aussi, à sa destinée et elle la veut grande et glorieuse. Sur ce point-ci, elle a fait le choix de son Tolstoï : entre la gloire et la vertu, dit-il, il sera la gloire qui, sur ses voies, une Russie, certes peu vertueuse, titube en avançant sur un parcours jalonné des montagnes ….russes.
La vérité est que la Russie est en Orient et elle s’y plaît bien. Et cet orientalisme, autant géographique que culturel au demeurant, garantit à la Russie une singularité unique lui servant de ceinture de chasteté contre les tentations d’un Occident qui n’embrasse trop que pour mal étreindre. Chasteté qui est, aussi, gage de sa sainteté devant l’éternel.
Aujourd’hui, presque un siècle après la prophétie de Raspoutine, la Russie est bien tombée entre les mains du diable. Seulement c’est un diable russe qui, sagesse oblige, reste préférable à tous ces anges étrangers qui s’y sont succédé depuis. Son nom est Poutine. Et son vrai mérite est d’avoir ramassé la Russie à la petite cuillère et la fait revivre de ses cendres sous un nouveau socle de base “ Etat-Religion-Patrie“. Sublime manière, vous l’avez compris, d’évoquer la trilogie de l’empire d’antan sans pour autant se mettre tous les autres sur le dos. Et, bien sur, le Tsar c’est lui.
Autant dire qu’en ces temps qu’il n’est pas de semaine où le transfert des puissances n’altère les rapports humains, il y a de quoi faire passer les idéologues de la fin de l’Histoire pour ce qu’ils sont réellement. D’inconscients plaisantins, en somme.