Cène : Onfray dans le rôle de Judas !

Publié le par Cide

Écouter Alain Badiou est instructivement plaisant. Car il est certainement le seul grand français encore en activité. Autant dire le digne représentant d'une brillante génération d'intellectuels français qui ont pensé le monde intelligemment.

C'est du moins ce sentiment que l'on peut avoir en suivant un débat récent entre lui et un « philosophe » en vogue aujourd’hui, Michel Onfray.

En vérité au-delà le débat et ce qui s'y dit, c'est la rencontre entre ces deux générations qui est intéressant. Un choc culturel, moral et même humain. Deux mondes que, désormais, plus rien ne relie. On savait déjà depuis Tocqueville que, dans les Démocraties, chaque génération est un peuple nouveau.

Que dire alors en philosophie, ou apparemment une génération d'escrocs et marchands de sable a succédé à une génération d'authentiques philosophes ?

La réflexion solide et souveraine d'une part, l'effet médiatique et émotionnel de l'autre, on en voit là en effet les prémices de cette France-Hongrie qui vient. Une France rétrécie et intellectuellement handicapée par l'insignifiance de la pensée dont elle est issue.

D'un coté une pensée régulière et argumentée coulant de source et crédibilisée par des longues années de luttes cohérentes et justes, de l'autre un Onfray plus que jamais de son époque et pétri de ses travers. Poncifs, préjugés et prêts-à-penser, en maîtres mots.

Et tout y passe. Oumma, Califat, Islam, civilisations et leurs chocs, Sionisme et Israël, Onfray s'est en effet ingénié une fois encore dans un conformisme intéressé lui permettant délibérément de surfer sur la vague populiste qui terrasse actuellement le pays. Et le subversif de deux, ce n'est certainement pas lui.

Or, durant toute son histoire, la brillante du moins, la réflexion philosophique fut au cœur de toutes les actions du décideur français. Et pas que politique, d'ailleurs, le militaire et, plus tard, le commercial n’échapperont pas eux non plus à cette règle. C'est que de l’idée naît l’édifice et que le verbe précède l'action. "Au fond des victoires d'Alexandre, on retrouve toujours Aristote", en somme, comme il a si bien exprimé De Gaulles.

Et c'est ici que toute la gravité du cas français se révèle. Un tribalisme juif belliqueux et offensif, porté au pinacle par Finkielkraut et Zemmour désormais décomplexés, en alliance martiale avec le soumis hédonisme Gaulois d'Onfray.

Le premier pousse vers Israël et ses intérêts, le second, pragmatique et petits bras, choisit l'ennemi utile, celui qui fait l’unanimité contre lui et permet de vendre du papier.

C'est dire, somme toute, qu’après la brillante génération de Badiou la France se trouve aujourd’hui sous l'emprise d'une meute de marchands de tapis et autres éclaireurs de guerre ethniques et religieuses.

Pis, l'enracinement de la pensée de Badiou dans une terre fertile et solide est considéré comme de l' «optimisme» par l'inculture crasse et pessimiste d'Onfray. Pourtant, c'est simplement la Culture d'un homme qui, du haut de son magistère, voit la Marche des hommes, tous les hommes, identique. Rien de nouveau sous le Soleil, dira l'autre. En résumé, Badiou fidèle à Marx, explique tout par les processus socio-économiques, Onfray, fidèle lui à son époque, explique tout par la race, la religion ou la géographie.


En fait ce débat qui sonne le tocsin d'une période et les cloches d'une autre a pris le trait d'un office éminemment religieux. Il fait penser en effet à la Cène quand, selon la tradition chrétienne, Jésus annonça que l'un de ses disciplines, Judas, va le trahir.

A la brutalité de tels propos, Badiou, lui, opta pour un malicieux «nous autres philosophes de ce coté-ci de la barricade », ironisa-t-il avec le sourire d'usage. La vérité c'est que tout un chacun sait bien que, désormais, Onfray n'est plus du même coté de barricades que Badiou. Ni philosophiquement, ni culturellement beaucoup moins humainement. Et que dans cette Cène, le Judas est déjà démasqué.

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